A la fois geste technique et attitude mentale, la récompense est le ressort
principal de l'équitation, qu'on le veuille ou non. Récompenser mieux,
c'est monter mieux.
Une seule raison peut pousser un cheval à faire ce que vous lui demandez :
que l'obéissance lui paraisse plus agréable que la désobéissance.
Ne venez pas me dire ensuite que la psychologie équine est compliquée !
Vous disposez donc de deux moyens pour faire penser la balance dans votre sens :
soit rendre l'obéissance plus agréable, par le biais des récompenses, soit rendre
la désobéissance moins agréable, par le biais des punitions.
C'est plutôt cette deuxième option que le cavalier ordinaire pratique,
par facilité, ayant été muni depuis ses débuts d'un mors, de talons et autres
accessoires à désagrément : cravache, éperons… Allez savoir pourquoi, la récompense
passe même pour une faiblesse. " Ce noble buveur de vent qui nous regarde de si haut
n'irait quand même pas mendier un croûton ou une caresse comme un vulgaire chien ?
Le fait de nous porter ne suffit-il donc pas à son bonheur ? Faut-il désormais jouer
les marchands de tapis et négocier ses services ?"
Etonnant d'invoquer ainsi la noblesse du cheval, alors qu'il est traité
exactement comme un esclave : nourri-logé, pas de salaire pour son travail,
et le fouet s'il désobéit…
Ils récompensent sans le savoir
Cependant, même le plus dur et le plus insensible des cavaliers récompense
sa monture de temps à autre. Certes vous ne le verrez ni caresser, ni distribuer
des sucres et des louanges, ni offrir des pauses rênes longues. Mais une fois par
séance, c'est garanti, il mettra pied à terre et ramènera sa monture au box.
Et surtout, pendant le travail, chaque fois que son cheval obéira à ses mains
ou à ses jambes, il relâchera un peu leur pression. Car voilà bien la récompense
minimale, et la plus couramment pratiquée : interrompre le désagrément qu'on
faisait subir à sa monture pour la faire obéir. Déplanter l'éperon ; désserrer
l'étau des jambes ; laisser se décrisper le sourire forcé des commisssures…
Piètres satisfactions pour le cheval, sans doute, mais satisfactions quand même !
Bien des montures font très honnêtement leur travail pour ces toutes petites
" récompenses "-là…
Une technique de base, à bien maîtriser, avant même de chercher d'autres
systèmes de motivations… C'est tout un art d'apprendre à relâcher ses aides à
temps, non pas à la fin du cercle ou de la ligne d'allongement mais dès la
première cession, dès la première foulée dans le bon sens. Peut-être faudra-t-il
les réactiver pour la foulée suivante, mais dans l'intervalle, le cheval aura
pris note de la satisfaction de son cavalier. Quelle que soit la discipline,
cette " descente des aides " est un gage d'efficacité et de légèreté.
Toutes les récompenses à la fois
Bien sûr, il existe nombre d'autres possibilités pour motiver
sa monture,
qui méritent d'être explorées, si ce n'est par amour du moins par intérêt !
Car le cheval " marche " mieux avec la carotte qu'avec le bâton.
Encore faut-il connaître et respecter sa logique simple : une récompense
ne fait d'effet que dans la seconde qui suit le mouvement réussi.
Ignorant ce point essentiel, bien des cavaliers gaspillent leurs efforts :
pendant ¾ d'heure, ils font normalement travailler leur cheval, puis soudain,
ils lui laissent tomber le Ciel sur la tête ! Alleluia, ils lui rendent les
rênes, le laissent marcher librement puis s'immobiliser, le délestent de
80 kg en le caressant, le dessanglent, débouclent sa gourmette, puis le
raccompagnent à son écurie chérie, où comme par miracle des carottes ont
poussé dans la mangeoire… Pas moins de 9 récompenses qui s'enchaînent,
dessellage non compris ! Récompenses ? Pas vraiment, si l'on considère le
fameux délai de 1 seconde entre l'action et sa conséquence. Ainsi le fait
de mettre pied à terre a récompensé un temps de repos, ainsi les carottes
ont récompensé le retour au box… était-ce bien nécessaire ?
A ce régime, notre monture risque de passer sa séance à rêver au
merveilleux bouquet final ! Ne serait-il pas plus avisé de répartir
harmonieusement les récompenses tout au long du travail, pour bénéficier
d'un peu plus de bonne volonté à la tâche ?
Bien récompenser : une séance-type
Certains cavaliers prétendent n'avoir pas de temps à perdre avec des récompenses.
C'est qu'il n'ont jamais essayé : un cheval bien récompensé obéit deux fois mieux et
progresse deux fois plus vite, au moins. Seule l'ignorance peut conduire à mépriser
une telle " affaire "…
Voici un exemple concret de séance donnant leur place aux différentes formes
de récompenses.
- Chaque fois que le cheval obéit aux aides, les relâcher un instant.
- Plusieurs fois par minute, féliciter de la voix (" c'est bien ") pour
indiquer en temps réel au cheval qu'il donne satisfaction. En association avec le
mot " non ", ce code permet de guider le travail et les progrès avec une extrême
précision. Pour pouvoir bénéficier de cet avantage en compétition, les dresseurs
auront intérêt à enseigner des sons plus discrets, de type " respiratoire " :
souffle, chuintement…
- Toutes les 3 ou 4 minutes, donner une pauses rênes longues (quelques secondes
peuvent suffire), à l'issue d'un mouvement particulièrement réussi. Profiter de
l'occasion pour féliciter et caresser, afin que ces actes prennent une valeur par
association.
- En cas de nouveauté réussie, même si ce n'est qu'un seul pas, ou un seul
centimètre dans le sens voulu, la friandise constitue un renforcement de poids.
Ne pas dépasser une dizaine par séance, pour " mettre l'accent " sur les nouveautés,
et éviter que le cheval ne ralentisse et se retourne chaque fois qu'on commence à le
féliciter.
- En fin de séance réfléchir soigneusement à l'exercice sur lequel on souhaite
terminer : une nouveauté, ou un point qui a coincé pendant la séance. A l'instant même
de la réussite, sauter à terre !
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Encadré :
Optimisez vos pauses
La pause est non seulement une récompense appréciée, mais aussi un moyen
de s'éviter bien des soucis. En effet, si ses muscles contractés commencent à le
faire souffrir, ou qu'il a envie de se gratter, le cheval risque de se déconcentrer
ou de désobéir malgré lui… En entrecoupant la séance de pauses, on supprime bien
des conflits potentiels, tout en récompensant la fin de l'exercice qui a précédé…
A moins de faire suite à un gros effort, une bonne pause n'a pas besoin d'être
longue : 10 à 30 secondes suffisent, à l'arrêt ou au pas. En revanche, elle doit
offrir au cheval un délassement maximum. C'est une erreur de continuer à entretenir
le pas à grands renforts de jambes, ou de garder le contact malgré des rênes
allongées : ce serait endurcir sa monture, et l'inciter à désobéir, à négliger
les jambes et à forcer lamain…

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Encadré :
La récompense en trois points-clés :
- VITE ! Pour que le cheval saisisse le lien de cause à effet, récompenser
pendant l'action, ou dans la seconde qui suit, même si ce n'est qu'une annonce
de récompense : féliciter, fouiller dans sa poche (futur sucre), déchausser
les étriers (la mise pied à terre est proche). Il faut apprendre à
jeter les
rênes sur l'encolure à l'instant exact où l'on considère qu'on a obtenu le
progrès souhaité, et non pas à les laisser s'allonger progressivement, ce qui
mettrait le cheval dans le doute.
- TÔT ! Plus l'exercice est nouveau, plus notre partenaire appréciera
d'être encouragé dès le premier signe d'obéissance. Un centimètre de reculer,
un seul pas d'épaule en dedans suffisent au début : c'est l'intention qui compte.
Les exigences n'augmenteront que lentement, appuyées sur les félicitations
vocales et la descente des aides.
- SOUVENT ! Puisqu'une récompense donne envie au cheval de renouveler son
exploit, le cavalier a tout intérêt à récompenser un maximum d'actions. Inutile
que la pause soit longue, ou que le morceau de sucre soit gros… C'est la
fréquence qui compte.
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